Une vie, la fin de l'histoire...
*Je rajoute les mots de la fin à cette histoire vraie que j'avais écrite en aout 2018.
Marcelle est née le 13 août 1918, au hameau de la Sablonnière à Exxxxx,
La famille s’agrandit et Marcelle passe une enfance heureuse avec ses 9 frères et sœurs, dans une modeste maison rue du Brûle à Exxxxx,
Une enfance heureuse, mais laborieuse, puisqu’il faut beaucoup aider aux tâches ménagères et au potager. C’est aussi le rôle des aînés de s’occuper des plus jeunes, et Marcelle élève son plus jeune frère, Michel, comme une seconde maman.
Malgré tout, c’est une enfant joyeuse, qui adore faire des blagues et s’amuser dans les bois avec ses frères.
Une enfant studieuse, aussi, appliquée, qui vénère son institutrice, Mme Jovenin, qui lui a donné pour toujours le goût de la lecture et l’envie d’apprendre. Elle passe des heures avec elle, même en dehors des heures de classe, et se met à rêver d’un avenir plein de promesses.
Hélas! En ces temps-là, l’école n’est pas une priorité pour les filles, Marcelle n’a pas le droit de passer son certificat d'études, et dès l’age de 12 ans, elle doit travailler et part en ville à pieds, rejoindre sa sœur aînée, Aimée. Elle entre au service de Madame Bussy, qui tient un commerce de rideaux dans la rue principale à Axxxxx. Là, elle doit entretenir la maison, mais aussi s’occuper de la grand-mère et d’une enfant en bas âge. Une entrée brutale dans le monde adulte, la fin de l’insouciance…
Mais c’est ensuite la guerre, et ses maîtres ayant fui l'occupant, Marcelle revient vivre chez ses parents. Elle travaille chez M. et Mme Volpoët, qui tiennent un café à Qxxxxxxxx (elle en aura, par la suite, des anecdotes à raconter sur les allemands!).
Elle est belle, Marcelle, et ne perd pas sa joie de vivre malgré ces temps difficiles.
Heureusement, ses frères reviennent sains et saufs de la guerre, c’est de ce temps là que date la foi profonde de Marcelle, qui a tant prié pour les siens en captivité.
En 1945, elle est amoureuse! Elle se marie avec Camille, un fils de fermier, de quatre ans son cadet. Un mariage qui au début ne plaît pas trop, Marcelle est fille de menuisier, un rouge (socialiste), elle n’a pas de dot, tandis que Camille est fils d'agriculteur, un blanc (conservateur)!
Mais l’amour est plus fort que tout, Camille quitte l’exploitation de ses parents, et trouve un emploi d’ouvrier agricole à Rxxxxxxx où le couple ne vivra que quelques mois. Ils ont le mal du pays, et reviennent rapidement habiter aux corons de la cartonnerie de Qxxxxxxxx, où Camille travaille désormais.
Marcelle n’a plus le temps de rêver!
Arrivent très vite les enfants, Hervé, Renée, Bruno, et la famille déménage près de la place d’Exxxxx, où naît Martine. Les temps sont durs, entre-temps Camille est parti travailler à la tuilerie de Wxxxxxxxxxx, et sa santé est fragile, il souffre d'un douloureux ulcère à l'estomac puis doit se faire enlever un rein.
Une vieille dame, qu’on appelle cousine Marie, propose l’hospitalité à la famille, elle a une grande maison en face de l’église de Qxxxxxxxx, elle conserve deux pièces pour elle et demande juste en retour un peu d’entraide et de compagnie. C’est là que naît Odile, la petite dernière.
Ces années, pour Marcelle, sont assez difficiles. Peu d’argent, de sérieux ennuis de santé, cinq enfants à élever... elle se sent un peu à l’étroit dans cette vie, elle qui aurait aimé avoir un métier, conduire une auto, faire des voyages...Très croyante, elle s’investit beaucoup dans la paroisse, s’occupant de l’église, offrant chaque matin un petit déjeuner aux enfants de choeur qui viennent servir la messe avant d’aller à l’école. Très généreuse, elle s’occupe de l’entretien du presbytère et soigne la vieille maman de monsieur le curé. Un bénévolat qui l’occupe des heures, et le reste de son temps libre, elle part en vélo donner des coups de main aux uns et aux autres, il faut qu’elle bouge, qu’elle s’évade de son quotidien.
Les parents de Marcelle vieillissent et ils lui proposent de racheter leur maison et de revenir habiter avec eux rue du Brûle à Exxxxx. Camille est fier de cette maison qu’il fait agrandir pour avoir tout le confort, une salle de bain, un chauffage central, le must pour l’époque! Tout le village défile pour venir voir ces nouveautés...
Ce sont les années heureuses, près de ses parents. Les enfants grandissent, travaillent peu à peu, la vie s’écoule paisiblement. Puis viennent les petits enfants, et la maison ne désemplit pas, il y a toujours du va-et-vient, voisins, famille, amis…
Marcelle est toujours aussi généreuse, elle soigne jusqu’au bout son père, amputé de ses deux jambes. Elle accueille avec dévouement son beau-frère atteint d’un cancer, puis pendant plusieurs années sa belle-mère, souffrant de sénilité. Sa sœur Mireille, une vieille tante, et même la bonne du curé viennent un temps dormir chez elle, sa porte est toujours ouverte aux autres.
Marcelle s’occupe beaucoup de son mari, qui a fait un AVC à 59 ans puis est atteint de la maladie de Parkinson. Il décède en 1995 et elle doit apprendre la solitude. Ses enfants ne sont pas loin, les voisins bien présents, mais elle s’ennuie. Heureusement elle lit beaucoup, fait des mots croisés, et ne rate aucun jeu télévisé.
La vie s’écoule ainsi jusqu’en mai 2012, où ses douleurs rhumatismales la cloue en fauteuil roulant.
Elle entre alors en maison de retraite, où elle cohabite avec sa nouvelle amie, Mme Macrez, 6 ans à se soutenir l’une l’autre, à parler du temps passé…Sa grande douleur reste la perte de son fils Bruno, en 2016, et elle se fixe alors un but, atteindre les 100 ans...le 13 aout 2018.
Ce but atteint, elle s’accroche à la vie, malgré les douleurs, malgré une solitude plus grande encore depuis le décès de son amie. Son plaisir est de faire des mots mêlés, des heures durant…
Puis c’est sa fille Martine qui part à son tour, en 2019, après une longue maladie, et Marcelle se renferme un peu plus sur elle-même, pour pouvoir supporter l’insoutenable, survivre à ses enfants…
C’est le samedi 21 mars 2020 qu’elle lâche prise, dans sa 102ème année. En pleine crise sanitaire contre le coronavirus, elle rejoint ses chers disparus dans la plus grande simplicité, sans discours ni tralalas, humblement, comme elle a toujours vécu.
De là-haut, elle veille sur nous,,,
*Bien sûr, je suis triste, mais apaisée, réconciliée, j'ai juste besoin d'un temps de repos et de réflexion avant de reprendre le cours de ma vie.
Surtout, prenez soin de vous.